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Là
où tout a commencé...
Le berceau de notre famille Krebs est Oppligen,
bourgade du Berner Mittelland, district de Konolfingen. La
localité (altitude 560 m) se trouve sur la route
très
passante qui relie Berne
et Thoune
en suivant le cours de l'Aar,
dans un paysage de collines
boisées et de prairies sur fond des Alpes bernoises qui se
découpent à l’horizon. Elle est
formée
d’un noyau situé sur la grande route (dont le fort
fréquenté Gasthof Zum
Schütz) et d'un habitat
dispersé, constitué de vastes fermes typiques
croulant
sous les fleurs en été, entre prairies et
vergers. Le village a été bâti un peu
à l'écart du cours capricieux de l'Aar et de ses
inondations,
au débouché de la
vallée de deux affluents: la Kiese (une
petite
Anna Krebs s'y noiera en 1845) et la Rotache. On est dans la
région de l'Emmental
et
l'économie reposait jusque récemment
essentiellement sur l'élevage.
La
commune voisine de Kiesen
abrite d'ailleurs, dans un petit
bâtiment à colombages, le Musée
national de
l'industrie laitière (Milchwirtschaftsmuseum). C'est ici en
effet
que fut fondé en 1815 le premier établissement de
plaine
fabriquant le fameux fromage à pâte dure.
Une
histoire de
Fin 2004 Oppligen comptait
610 habitants. A
quelques
kilomètres se trouve la bourgade de Wichtrach,
divisée en Ober- et Unterwichtrach. Avec Oppligen et Kiesen cette
localité constituait une entité
géographique et humaine homogène dont le centre
était l’église d'Oberwichtrach
où se déroulaient les grands
événements de
l’existence: baptême, mariage et enterrement.
L'élégant bâtiment actuel, construit
en 1745
et rénové en 1948 et 2008, a remplacé
l'ancienne et
vénérable église dédiée à
St-Maurice et mentionnée dès 1180. Dans ce cadre
paroissial un ordre
immémorial a perduré jusque vers le milieu du
XIXe
siècle. Traditionnellement la population se divisait, dans
chaque village, en grandes «familles»
(Geschlechter)
auxquelles chacun se rattachait par un sentiment
d’appartenance
diffus. La filiation directe et l’affiliation par mariage
constituaient la base d’une sorte d’organisation
clanique
de
cette société rurale, encore accentuée par une certaine endogamie: le choix du conjoint se
limite en effet dans les premiers temps à la paroisse et ses environs
immédiats.
A Oppligen on comptait huit familles principales - dont les Krebs qui fournissent chaque
année un important contingent à
l’état civil. En 1829, par exemple, sur un total
de onze décès, on ne compte pas moins de sept
Krebs; en 1871 on note encore, parmi les nouvelles épouses
portant ce même patronyme, deux Anna, deux Anna Elisabeth,
une Anna Maria, une Rosina, une Magdalena et une Susanna. Dans ces
conditions les mariages entre cousins et cousines à des
degrés divers et indéterminés
n’étaient pas rares et renforçaient la
cohésion du clan. La sélection par la mortalité
infantile
palliait les éventuels inconvénients de la
consanguinité. L’enracinement
dans le terroir est confirmé par
l’expression «von und zu», par quoi on
enregistre les
lieux d’origine et de résidence des individus:
dans la
grande majorité des cas ce lieu est le
même. Le nom "Krebs" est
encore de nos jours très répandu dans la région et on le
trouve dans tout l'espace germanique. Il s'agissait à l'origine soit d'un sobriquet
désignant une personne rougeaude ou particulièrement lente, soit d'un
nom dérivant d'une activité (pêcheur
d'écrevisse, aubergiste Zum Krebs).
On voit cependant cet ordre des choses et des gens se modifier
progressivement au cours du XIXe
siècle. L'évolution se
manifeste ainsi à l'aspect des registres
d'état civil, tenus de façon souvent fantaisiste
par les pasteurs en charge de la paroisse (l'un d'eux, David Mäusli/Musculus, predicant à la fin du XVIIe siècle souligne et
désigne par le dessin d'un doigt pointé tous les
actes le concernant comme père ou témoin!). Au
siècle suivant encore un de ses collègues, le
révérend Abraham Plüss - 60 ans de ministère -
agrémente les
notices nécrologiques de réflexions
personnelles jusqu'à ce qu'une ordonnance de 1750
rappelle que ces registres doivent être wohl conditioniert,
registriert und paginiert, et en 1751 encore qu'il faut s'abstenir de narrer les circonstances du décès.
Une césure évidente
se produit dans les livres quand, au 5 mars 1808, le pasteur Johannes
Wyss prend ses fonctions en remplacement d'un collègue
apparemment âgé dont la vue baissait. La
grosse écriture malhabile précédente
fait place à une rédaction soignée qui
présente des informations standardisées
réparties en colonnes régulières. On
imagine l'arrivée d'un jeune ecclésiastique
éduqué et ambitieux, mais on peut aussi
évoquer l'influence de l'administration française
par le biais de l'occupation napoléonienne et de la République
Helvétique. Autre changement: dès
novembre 1796 la date de naissance apparaît
à côté de celle du baptême
qui a toujours lieu un vendredi ou un samedi.
En même temps disparaît des actes de mariage la
mention du "certificat d'équipement" (Monturschein). Par
cette attestation le responsable local de la milice (le Trüllermeister) confirmait que le prétendant
s'était bien équipé - à ses
frais! - d'un uniforme (un pasteur compatissant signale d'ailleurs
avoir marié un Bendicht Krebs dispensé de
certificat, car trop pauvre pour s'acquitter de cet achat).
Parallèlement à l'amélioration de la
présentation on constate une multiplication des patronymes
et l'apparition de nouveaux prénoms à la mode
(Karl et Friedrich, et pour les filles les déclinaisons de
Rose: Rosine, Rosina, Rosinette) en remplacement des quelques
prénoms traditionnels (Johannes, Bendicht, Magdalena,
Elisabeth) qui se répétaient de
génération en génération.
On va aussi volontiers chercher mari ou femme en dehors du cercle
étroit de la paroisse, et les noces, toujours
enregistrées à Wichtrach, sont de plus en plus
célébrées "à
l'extérieur", certes toujours dans le canton de Berne, mais
à quelque distance de la commune d'origine: Zolligen,
Münsingen, Langnau, Muri, Burgdorf, etc.
La réorganisation de l'Etat fédéral de
1848 introduit
une nouvelle dimension dans la conscience nationale. Le
certificat militaire réapparaît dans les actes de
mariage sous la forme d'un Waffenschein attestant que
l'intéressé est en règle vis
à vis de la milice. L'alphabétisation,
déjà bien répandue - en particulier
grâce à l'impulsion du pédagogue J-H Pestalozzi et de ses
disciples - est
confortée par l'inscription dans la nouvelle Constitution de
l'instruction publique obligatoire. Dans la région
même, la construction en 1858-59 de la ligne de chemin de fer
Berne-Thoune ouvre de nouveaux horizons et entraîne un
brassage des populations. Avec l'inauguration de la gare de
Wichtrach en 1865 Berne peut être rallié quatre
fois par
jour en 44 minutes. C'est à cette
époque que nombre de paysans pauvres du canton vont chercher
fortune au loin. Deux frères Krebs s'installent comme
métayers en Suisse romande; un Johannes Krebs se fiance avec
une fille d'Ingouville en "Seine Inférieure".
Mais c'est
surtout l'Amérique
qui attire les plus entreprenants. Le 19/09/1835 un descendant de Nigli Krebs (1579), Samuel Krebs, 54 ans, cantonnier
de son
état, mais enregistré comme farmer, arrive à
New-York sur l'"Albany" venant du Havre sous le commandement du capitaine Strickland. Outre son épouse, il est
accompagné de trois de ses filles dont Magdalena avec son mari
Niclaus Rufenacht et leurs trois enfants. Ils rejoignent deux autres
filles déjà sur place: Anna Krebs-Zürcher qui a fait
le
voyage en 1831, enceinte de son troisième, et Elisabeth,
arrivée en juillet 1834 avec son fiancé Johannes Speicher
qu'elle épouse peu après (en même temps que 50
autres jeunes couples d'émigrants suisses arrivés avec
eux). Le patronyme se perd, Samuel
n'ayant que des filles,
mais celles-ci participent activement au peuplement de la région
entre l'Ohio, l'Illinois et l'Indiana, qui sont à
l'époque à la frontière de l'Ouest. Elles ont en
effet chacune entre
10 et 16 enfants. On trouve par ailleurs encore la trace d'un des neveux de Samuel, Christian, né
en 1835, parti rejoindre son oncle et décédé en
1914 en tant que fermier retraité à
Sugarcreek (Ohio), surnommé "the little Switzerland".
Un autre descendant de Nigli, Ulrich Krebs,
né en 1797, s'embarque au
Havre en décembre 1854 avec son épouse et ses deux filles
survivantes à bord du "Gosport" et arrive à la
Nouvelle-Orléans le 15 janvier 1855. La famille voyage en
compagnie de Johann C. Bernard, de Hasli, le fiancé d'Anna, la
fille ainée âgée de 18 ans. Remontant le Mississipi, les fiancés se
marient à Saint-Louis et vont faire souche dans
l'Illinois;
la fille cadette, Maria Anna, neuf ans, épousera un compatriote
émigré, Rudolf Hunziker, fermier dans le Missouri.
Un descendant de Hanns Krebs (1582), Johannes Krebs,
né en 1812, de son métier carrier, émigre vers
1850 pour les USA où son neuvième enfant, Ferdinand,
naît en 1851 à Rochester dans l'état de New-York.
Ce Ferdinand Krebs, colporteur, s'américanise en Frederick Cripps
et on lui compte à ce jour 47 descendants. C'est
l'Amérique du Sud que choisissent plus tard deux frères
de la même lignée: Friedrich et Gottfried Krebs,
nés en 1876 et 1886. Tous deux cultivateurs, ils embarquent en
octobre 1913 à Anvers pour Buenos Aires sur le "SS Sierra
Cordoba", un navire de la Norddeutsche Lloyd qui vient d'être
construit à Stettin; ils auront payé chacun 225 francs
à l'agence Weiss and C°, représentant la Lloyd
à Zurich, et font partie des 1162 passagers que le navire peut
emporter dans l'entrepont.
Un plus proche parent, Samuel Krebs, né en 1855, aîné d'une
fratrie de 13 enfants et petit-cousin de notre ancêtre direct
Gottfried,
quitte la Suisse pour Midway/Utah où il épouse une
compatriote dont il aura sept enfants. Baptisé mormon en 1881 - le même jour que son épouse -
il devient "ancien" (elder) en 1890 et accède en 1922 à la dignité de high priest; ses fils et petits-fils accèdent également aux différentes fonctions de cette église.
Depuis la famille a crû et s'est multipliée.
Samuel avait été précédé par un oncle Friedrich (1834) et sera suivi par une nièce Bertha (1868). On relève encore les noms de Bendicht (1795), d'Oppligen, et à Niederwichtrach ceux d'Ulrich (1797), Bendicht (1848), Samuel (1830). Malgré cette
émigration la
population de Wichtrach et environs augmente lentement et on passe
d'une trentaine de naissances
par an en moyenne au XVIIIe siècle à une
soixantaine au siècle suivant.
D'autres cependant restent au pays. C'est ainsi qu'on a retrouvé de lointains cousins: Simon Krebs
(né en 1981 à Unterseen), descendant de Bendicht (1791),
un frère de notre ancêtre Christen (1783), et Andreas Krebs
(né en 1965 à Münsingen), pour qui la scission
généalogique est encore plus ancienne puisqu'il descend
de Mauritz (1632), frère de notre ancêtre Niclaus (1621).
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Aux environs d'oppligen
(Oberdiessbach)
Oppligen:
46° 49' 13.24" N
7° 55' 38.06" E