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Luise Syz



Les ancêtres / A l’aube du souvenir / Les Schray et Stoll / Hans et Anna /
Jean et les autres
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Un mariage et un enterrement

Pourtant Hans n’en a pas fini avec l’armée. Après l’intermède de la Légion, il lui faut encore effectuer son service militaire suisse, bien que - résidant à l’étranger - il aurait pu se contenter d’acquitter la taxe d’exemption. Il faut dire que - en dépit de son tempérament pacifique - il était sensible au prestige de l'uniforme (à Palante il enviait les lycéens de la ville voisine pour leur tenue de collégien). Surtout, il refusait de regagner son foyer où le commis avait pris la place de son père. En juin 1907, une carte du Landeron, près de Neuchâtel, nous apprend qu’il effectue à l’école des recrues ("Rekruten-Schule") de Berne une période de formation militaire qui, selon son livret, durera 48 jours. Son bataillon, le "Füs Bat. 33II", est occupé à la construction de retranchements et, avec un détachement du Génie, à l’établissement d’un pont sur le canal de la Sihl qui relie les lacs de Bienne et Neuchâtel. Une photographie prise à cette occasion le montre avec ses camarades, les traits marqués par la fatigue. Il pose aussi pour un portrait individuel en uniforme avec le képi du 33e en mai 1907. 

    La même année, le 19 otobre 1907 - sans doute toujours pour se tenir à distance de la maison où il aurait pu pourtant reprendre le commerce du lait - il s’engage dans la police bâloise. On le voit sur une photographie de mai 1908 en «police-man» (sic), se tenant raide dans son uniforme. Il apprend quelques prises propres à neutraliser un malfaiteur. Ayant peut-être souvent à faire à des Italiens dans ses interventions, il commence l’étude de cette langue avec un dictionnaire où il inscrit l’ex-libris: «Giovanni Krebs, Agente di polizia, Basilea». Son tempérament pacifique répugne toutefois à ce métier et il démissionne après moins d’un an, le 31 juillet 1908, muni d’un certificat de bonne conduite. Il a peut-être aussi déjà rencontré sa future épouse. Son livret militaire confirme les dates d’arrivée et de départ de Bâle, qui correspondent à celles du service dans la police. Sa résidence normale reste le foyer familial à Mulhouse où on le trouve inscrit administrativement dès le lendemain 1er août par un cachet porté sur sa carte d’immatriculation (Meldekarte). Cette inscription sera renouvelée par un tampon apposé chaque année jusque 1918, tant que l’Alsace restera allemande.

    Pendant cette période où il exerce son activité policière à Bâle une tragédie se prépare au foyer. Sa mère, enceinte, se remarie le 4 février 1908 avec le commis de la laiterie, K.J. Fuchs. On a une photo de Luise de 1904: quoiqu’elle n’ait que 40 ans elle donne l’impression d’une femme déjà plus âgée. Seule et veuve d’un mari qui n’a pas dû la rendre heureuse, elle a cherché une consolation auprès de celui dont elle dépendait aussi pour la marche du commerce. Avec l’intransigeance de la jeunesse, son fils n’a pas compris la situation et a été extrêmement affecté par ce mariage. Sa mère lui écrit en vain à Bâle, le 30 janvier 1908, pour tenter de l’amadouer. Elle annonce que son mariage aura lieu le mardi suivant, le 4 février, à l’église Saint-Fridolin de Mulhouse à 6 h du matin, après la cérémonie civile du lundi à 14 h. Cette église catholique néo-baroque vient d’être achevée en 1906 et domine de ses deux hautes tours l’église toute proche de la paroisse protestante de Saint-Paul à laquelle est rattachée la famille Krebs. Elle supplie son fils de lui rendre visite auparavant le dimanche: «Mais je te demande encore instamment, laisse ta rancoeur de côté et vient donc dimanche ici chez nous» [Ich bitte dich aber nochmals innig, lass deinen Groll bei Seite und komme doch am Sonntag hierher zu uns]. Elle l’aurait bien invité - écrit-elle encore - au mariage lui-même, mais elle sait qu’il ne serait pas venu. Elle annonce avoir aussi invité son jeune frère et elle ajoute un détail qui explique en partie certainement la rancune du fils: son futur mari devra se confesser le dimanche matin. Tout se déroulera «selon la religion catholique», «mais  - ajoute-t-elle - je peux garder ma confession». Pour un jeune homme qui attachait tant d’importance aux traditions familiales ce mariage catholique devait apparaître comme une trahison supplémentaire. Outre la grossesse avancée de la mariée, la mixité du mariage explique aussi l’heure particulièrement matinale (6 heures!) d’une union que le catholicisme réprouvait. Hans a conservé précieusement cette lettre durant toute sa vie. Sensible comme il était, il a amèrement regretté la vivacité de sa réaction de rejet étant donné la suite des événements.

  En effet, deux semaines après le mariage, sa mère donne naissance à son demi-frère, Joseph Fuchs (pour qui il aura d’ailleurs toujours beaucoup d‘affection). Une semaine plus tard, le 26 février, elle décède «après une courte et pénible maladie», selon le faire-part. Elle avait alors 43 ans et un accouchement à cet âge n’était pas sans risque à l’époque. Elle a été inhumée aux côtés de son premier mari au cimetière protestant de Mulhouse.

    Revenu à Mulhouse le 1er août de cette même année 1908, Hans se retrouve dans un foyer détruit avec un beau-père qu’il ne peut s’empêcher de considérer comme responsable de cette mort. Quant au nouveau-né, il est vraisemblable qu’il a été donné en nourrice, comme cela se faisait couramment encore à l’époque. C’est dans ces circonstances qu’il rencontre celle qui va devenir très bientôt son épouse: Anna Schray.




















               Saint-Fridolin