Les
Obrecht / Les Hild / Les
Schmitt / Les Obrecht-Schmitt
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Révolution russe et chaussettes trouées
Alfred, après son engagement
à
l’avant, bénéficie d‘une
assez longue
période de calme. Dans une lettre arrivée le 7
février 1917
il indique qu’il va participer
à un
cours de perfectionnement à Döberitz,
dans la banlieue de Berlin, pour une durée de cinq semaines.
Ensuite, selon une lettre reçue le 7 mars, il se trouve en
attente dans un camp près de Posen/Poznan, en
Pologne
centrale - donc, assez loin du front. En avril il
bénéficie d’une permission inattendue.
Il
télégraphie inopinément le 5 avril
qu’il se trouve à
Colmar d’où il arrive tard dans la nuit. Il se
charge
à nouveau, le lendemain dès 8 h 30, de
l’obtention
des autorisations de voyage et il repart à 11 h 59 avec
Jeanne
et Hansi pour Colmar et le traditionnel séjour à Horbourg. Toujours
le prestige de l’uniforme: quand Jean
Obrecht
va chercher à son tour à la Direction de la
police une
autorisation pour aller à Andolsheim, non seulement il doit
y
passer deux fois, mais il se fait rabrouer par le brigadier-chef de
service, «gras comme une anguille». On
n’a pas
d’indication sur la durée de la permission, on
sait
simplement que le 27 avril la famille réceptionne un
caleçon
d’Alfred!
Dès
le 5 mai, Alfred annonce qu’il espère une
nouvelle permission, mais le contre-ordre ne tarde pas: il doit se
soumettre à un traitement dans une clinique dentaire
militaire.
En juin 1917 il se trouve toujours à
l’arrière,
à Goldap,
une ville de Prusse orientale d’où il
envoie une photographie. C’est de cette ville
qu’est encore
datée et signée une permission qui lui permet de
passer
le début du mois d’août en Alsace. Une
carte annonce
qu’il arrive le 1er août avec du miel. La situation
alimentaire n’a en effet pas cessé
d’empirer et le
flux des denrées s’est inversé: la
troupe est mieux
nourrie que les civils. De plus à l’Est, selon le
témoignage de Paul Obrecht, le boulanger mobilisé
sur le
front russe, avec de l’argent on trouve de tout
auprès des
Juifs qui monopolisent le commerce. Jean Obrecht fait la triste
expérience des conséquences de la
pénurie jusque
dans les campagnes: désireux de passer les vacances
à
Horbourg ou Andolsheim, il constate amèrement
qu’on ne
veut ou ne peut plus l’héberger là-bas:
«Trostlose Zeiten» [triste
époque]. Alfred
arrive finalement déjà le vendredi 27 juillet et
part le
6 août avec Jeanne et Hansi pour Horbourg par le train de 15
h 14.
Cet
heureux intermède est brutalement interrompu, le 11
août,
par un télégramme enjoignant Alfred de rejoindre
Goldap
pour monter en ligne le 17 août.
L’état-major
allemand a
décidé de donner un dernier coup de boutoir
à une
armée russe qui se désagrège. Cette
ultime attaque
ne rencontre que peu de résistance. Les Allemands passent le
fleuve Duna, s’emparent de Riga au
début de
septembre et
avancent vers le nord en direction de Saint-Pétersbourg. Il
est
donc vraisemblable qu’Alfred a participé
à ces
ultimes opérations sur le front russe. Concernant sa
présence sur ce front, on trouve encore en octobre 1917, au
dos
d’une photo, l’inscription sibylline à
consonance
slave: «In der Hohe Jehwska», un endroit
qu’il
n’a pas été possible de localiser.
Sur le front russe - octobre 1917
La
révolution
d’octobre 1917 et la prise de pouvoir
par les
bolcheviques accélèrent la
décomposition de
l’armée russe. Les nouveaux maîtres font
une
proposition unilatérale d’armistice, lequel est
signé le 15 décembre à Brest-Litovsk.
Il sera
suivi du traité de paix signé en ce
même lieu le 3
mars 1918. L’armée allemande va pouvoir concentrer
toutes
ses forces à l’Ouest. Cependant, Hindenburg avait
déjà commencé à
transférer des
troupes d’est en ouest sans attendre la conclusion des
pourparlers. C’est le cas du régiment
d’Alfred qui
quitte le front russe fin novembre 1917, après deux ans et
demi
de présence. Le 1er décembre, on apprend par une
carte
qu’il se trouve en transit en Prusse/Pologne, à
Posen/Poznan, et
le 7 décembre parvient une lettre annonçant
qu’il
se trouve dorénavant en France, suivie d’une autre
le
lendemain précisant qu’il est en Champagne. Deux
jours
après nouvelle précision: il stationne
à
Angecourt,
aux confins de la Champagne et des Ardennes, où
il
s’initie au maniement des mortiers.
Avec
ce transfert à l’Ouest et
l’année 1918,
c’est une nouvelle phase qui se prépare. Sur le
plan des
opérations, une course de vitesse s’engage entre
les
Allemands d'une part, qui concentrent leurs troupes sur un front principal et
tentent de forcer la décision par trois grandes vagues
d’offensives, et les Alliés d'autre part qui se renforcent
grâce
à l’arrivée progressive des
Américains. Sur
le plan personnel: après plus de deux ans en face
d’un
ennemi mal organisé et bientôt
démoralisé, Alfred se retrouve
mêlé aux
grandes batailles,
terriblement lourdes en pertes humaines, qui se
déroulent sur le sol français.
L’armée
allemande commence aussi à souffrir de
l’essoufflement de
sa logistique; un colis est envoyé à Alfred, qui
contient
ce qu’il faut pour lutter contre l’hiver
particulièrement froid cette année-là:
cache-col,
pull-over, bande pour se protéger le corps, oreillettes. Fin
janvier il envoie de son côté des chaussettes
trouées...
à Goldap