Les
Obrecht / Les Hild / Les
Schmitt / Les Obrecht-Schmitt
1
> 2
>
3> 4 > 5
> 6 > 7
> 8 > 9
> 10 > 11
> 12 > 13
> 14 > 15
> 16 > 17
De l'Arbre
Vert au Restaurant Schmitt
Alors qu'il est encore en
poste à Wolfgantzen Georges Schmitt épouse une
fille du pays, la jeune Salomé
Husser
(elle a 20 ans) le 9 juin 1871. Les liens avec le territoire d'origine
ne sont pas entièrement rompus: le marié fait
venir de
Lorraine son frère Jacques, un garde-forestier de 36 ans,
pour
être son témoin et son
arrière-petite-fille
Christiane Schmitt-Kallfass se souvient d'avoir encore rendu visite,
enfant, à des parents cultivateurs à Mittersheim.
Mais
par cette union les Schmitt de Lorraine s'implantent au coeur du terroir
colmarien où la conjonction avec les Obrecht va
s’effectuer à la génération
suivante. En
effet, le père de Salomé, André
(né en 1823),
son grand-père, Jonas (né en
1791),
son
arrière-grand-père, Jakob
(né
en 1765),
sont
des
paysans de Wolfgantzen
où elle-même est aussi
née,
ainsi que sa soeur jumelle Marie, le 26 mars 1851, cette
naissance
gémellaire coûtant d'ailleurs la vie à
leur
mère.
Les autres
grands-parents, les Walch, Kellermann, Engel sont également
des
familles paysannes issues des environs: Wolfgantzen ou, plus au nord,
Muttersholz, près de Sélestat. Le contrat de
mariage est signé chez Me Beltz à Neuf-Brisach.
De
Salomé on ne
possède qu’une photo
d’identité, prise alors
qu’elle est déjà assez
âgée. Outre sa
soeur jumelle, Salomé avait encore un frère, Emile,
né en 1849. Son père s'étant
remarié avec
une cousine, elle aura encore neuf demi-frères et soeurs
dont plusieurs mourront dans leur petite enfance.
L’intégration
du jeune instituteur dans sa patrie d‘adoption a dû
être grandement facilitée par ces relations
familiales
locales. D'autant plus que, lors de son arrivée
dans la
région, les Husser,
de paysans qu'ils étaient se
sont
élevés socialement. L'une des branches de la
famille
s'est lancée dans la restauration avec André Husser
(1810-1877). Son fils André, petit-cousin
de
Salomé,
reprend l'affaire avec son épouse Catherine
(photos
ci-dessous) et la transmet aux deux
générations
suivantes.
L'auberge
de Wolfgantzen, l'Arbre
Vert (peint
en rose et bleu!) est donc restée dans la famille
Husser
pendant quatre générations, ses
propriétaires
successifs, désignés comme aubergistes ou
cabaretiers
continuant à cultiver des terres par ailleurs.
L'établissement, situé au coeur du village non
loin de la mairie, existait depuis 1789
à l'enseigne du "Cheval
Blanc" et a été rebaptisé vers 1890 en
l'honneur
du vaste platane - planté en 1784 - qui l'ombrageait. Il a
été vendu en 1988 par un
dernier
André Husser (1927-2009). L'auberge existait
encore en
2006, mais
les nouveaux
propriétaires - après avoir tenté d'en
faire un
véritable restaurant - étaient sur le point de
vendre un
établissement qui, depuis le contournement routier du
village,
n'accueillait plus qu'une clientèle locale.
Depuis 2007
le local est définitivement fermé.
André
Husser (1837-1918)
Catherine
Husser
(1843-1923)
Annexe:
de
Wolfgantzen
Une autre branche, la "nôtre", est d'abord restée
attachée à la glèbe, mais en
accédant au
satut d'exploitant agricole. Emile, le frère
aîné de Salomé,
était le plus gros propriétaire du ban de
Wolfgantzen, ce
qui lui a certainement valu sa désignation comme maire de
1900 à 1915. Sa
fille Sophie,
née en 1882,
épouse Charles Ambos,
venu
de
l'extérieur (Zittersheim), qui devient à son tour
l'homme riche et influent du village. Leur maison
se dresse sur la grand'place non loin de la mairie.
Toutefois, comme chez les
Obrecht, la consécration de l'ascension sociale est
l'accession
au statut de fonctionnaire en cette fin du XIXe siècle:
Charles
Ambos est employé des Postes et les terres sont
louées et progressivement vendues. On verra
que les
relations entre cousins et petits-cousins Schmitt et Ambos vont encore
durer deux générations.
C'est dans ce milieu que Georges Schmitt va effectuer sa reconversion
professionnelle. La légende familiale, qui a tendance
parfois
à enjoliver les faits, rapporte qu'il aurait
refusé
d'exercer sa profession d'instituteur en langue allemande au moment de l'Annexion. Il
aurait préféré démissionner
pour
s'installer comme aubergiste à Horbourg. En
réalité il s'agit d'un choix de vie
mûrement
réfléchi. Si l'instituteur - selon les rapports d'inspection - manquait
d'énergie
devant sa classe, il n'en était pas moins doué
d'un
esprit entreprenant et avisé. En
effet, quelle profession va-t-il embrasser?
Précisément
celle d'André
Husser,
cousin de son épouse et témoin du mariage, qui
tient
l'auberge de Wolfgantzen. Sa belle-famille au sens large lui offrait un
exemple et l'occasion d'une reconversion facilitée par son
entregent. Il a dû saisir une opportunité qui se
présentait, non sans s'être assuré
auparavant des
droits à une retraite substantielle puisqu'il n'était pas loin de l'échelon maximum.
Une preuve de la soigneuse préparation de cette nouvelle
existence est le fait que dès le lendemain de sa retraite, le 2 septembre 1893, G. Schmitt est titulaire de la concession d'un restaurant à Horbourg
et qu'une semaine plus tard, le 9 septembre, il obtient une licence pour
débit de boisson. Il y alors 8 débits de boissons au
village même et 58 dans le canton d'Andolsheim dont
Horbourg fait partie.
La
première trace de sa nouvelle activité
d'aubergiste est,
en 1899,
une carte postale de Horbourg montrant un Restaurant Schmitt, agrémenté d'un "Biergarten", une
terrasse ombragée. Puis à l'occasion du mariage
en 1901 de
ses filles, Lucie et Sophie, apparaît
dans le registre de l'état civil la double mention:
instituteur
en retraite [Lehrer ausser Dienst] et aubergiste. Lors du mariage en 1909 du dernier
fils, Alfred, ne
subsiste que la mention d'aubergiste.
C'est qu'entre-temps le café-restaurant Schmitt a
prospéré malgré la concurrence des
restaurants Manny et Hagenmüller. Il figure sur les cartes
postales d’époque parmi les sites remarquables du
village. On devait y
déguster à la saison les asperges - une
spécialité de la région - que selon Christiane,
une arrière-petite-fille de Georges, les Schmitt
cultivaient dans leurs champs. En 1907 encore G. Schmitt est
nommé dans la liste des débitants de boissons...parmi
ceux qui ont égaré leur concession. Une carte-photo,
envoyée par
Georges à sa
petite-fille, «Fräulein Jeanne
Schmitt», en avril 1914,
montre la maison avec son enseigne
«Restauration Paul Schmitt»; à
l’époque, en effet le fils Paul
a
déjà pris la suite de son père. Parmi
les personnages figurant sur la photographie on croit
reconnaître le buste massif du père à
la fenêtre et au premier plan le couple Paul
et Marie
Schmitt.
En avril 1915, Georges envoie un portrait de lui-même
à son fils Alfred qui est au front; la tête
massive, le cheveu court, des moustaches drues, une bedaine que le
veston peine à contenir: il a quelque chose du vieux
Bismarck...
L'exploitation a
dû
être cédée dès avant la
deuxième
guerre mondiale, Paul
atteignant la soixantaine et son fils,
également prénommé Paul,
ayant eu une
formation de
dessinateur industriel. De santé fragile, ce dernier
décède dès 1943 à
l'âge de 35
ans de la tuberculose. Le bâtiment, rebaptisé
entre-temps
«Hôtel
Restaurant du Commerce»,
était en réfection
en
2005,
après avoir périclité sous la gestion
du
précédent propriétaire, M.
André Gilch, malade. En
2006, repeint couleur
sang de boeuf et agrandi, il abrite un laboratoire
d'analyses
médicales.
Georges
Schmitt meurt le 14 avril
1930, à Horbourg où il
était arrivé quelque 60 ans auparavant. Son
épouse
ne lui survit guère plus d’un an
puisqu’elle
décède le 27 novembre 1931. Leur tombe,
à l'abandon, était encore visible au
cimetière de
Horbourg en 2008. Le mariage aura
été prolifique; ils ont eu six enfants: Minna, Lucie, Georg-Albert, Sophie, Paul, Alfred,
tous
nés à
Horbourg,
sauf l’aînée, encore
née à Wolfgantzen. Le choix des
prénoms, qui rompt avec la tradition, est signe d'un milieu
évolué. Les baptêmes
ont encore eu lieu dans l'ancienne église de Horbourg
bâtie en
1593
qui, petite et vétuste, a été
remplacée par la
nouvelle
église protestante actuelle, inaugurée en 1907.