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Les Obrecht / Les Hild / Les Schmitt / Les Obrecht-Schmitt

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D'Ouest en Est

La situation semblant bloquée sur le front occidental en ce début de 1915, le haut commandement allemand décide en effet de porter le principal effort vers l’Est où devrait se jouer le sort de la guerre. Alfred sait-il quelle est sa nouvelle destination? D’après la carte suivante, la troupe s’est mise en marche vers le nord-est, et c’est au soir d’une étape, le dimanche 24 avril 1915, qu’il annonce avoir traversé Liège par une vue des «Places Verte et Saint-Lambert» avec leurs voitures à bras, fiacres et tramways. Un tampon indique: «Aus militärischen Gründen verzögert» [retardé pour raisons militaires]. Aucune indication concernant la destination de ce mouvement, mais quatre jours plus tard parvient à Mulhouse un courrier dans lequel Alfred annonce qu’il est envoyé sur le front russe. En cours de route il envoie deux cartes, l’une de Duisburg, l’autre de Dirschau sur la Vistule (aujourd’hui Tczew en Pologne), qui parviennent à Mulhouse dès le 2 mai. Jean Obrecht commente: après 8 mois de combats contre les Français, Alfred va désormais être engagé, avec quelques concitoyens de sa compagnie, dans la lutte contre les Russes.

    C’est en effet dans une nouvelle unité qu’il est versé: au 44e régiment d’infanterie «Graf Dönhoff» - encore appelé 7e de Prusse orientale - 3e bataillon, 10e compagnie. Son régiment - au passé prestigieux - fait partie de la 2e division d’infanterie, intégrée dans le 1er corps d’armée du front Est. Le terme de «concitoyens» [Landsleute] semble indiquer qu’un certain nombre d’Alsaciens ont partagé le même sort. Ce n’est sans doute pas un hasard: le général Gaede était connu pour sa méfiance à l’égard des Alsaciens qu’il suspectait de francophilie et qu’il a fait transférer en nombre vers le front russe. Un camarade d'Alfred, rencontré à Mulhouse par Jean Obrecht, confirme qu'il n'y a plus que "quelques Alsaciens" dans leur ancien régiment. Cette «brimade» s’est d’ailleurs avérée être une chance relative, puisque ainsi ils ont pu échapper aux grands massacres du front Ouest où l’«armée Gaede» a, par exemple, été engagée dans la bataille de la Somme en juin 1916.

    La 10e compagnie du "Graf Dönhoff" en corvée d'eau   

     Tout au long de ce premier hiver Alfred a reçu au moins un colis par semaine, au contenu le plus divers. Il s’agissait principalement au début de «douceurs »: pâté de foie, miel, tabac, cognac, café. Progressivement le contenu se diversifie et comprend aussi des denrées alimentaires de base: beurre, sucre, fromage, salami, ou encore des objets utiles: semelles, chaussettes, gants, bougies, bretelles, poudre contre les poux. Un envoi, en février 1915, de pastilles, réglisse, menthe et bonnet semble spécialement destiné à la lutte contre le froid. Au contenu des paquets il apparaît qu'Alfred est grand amateur de ces cigares que son beau-père continuera à lui envoyer alors que les denrées alimentaires se feront de plus en plus rares. Dans cette première phase il reçoit aussi régulièrement des mandats (généralement 50 Marks) qui continuent après le transfert sur le front russe, alors que le courrier devient plus irrégulier. L’envoi de paquets s’interrompt même avant de reprendre en septembre 1915; les lettres mettent environ deux semaines pour parvenir à destination et, un jour, cinq lettres d’Alfred arrivent en même temps.

       Quelle est la situation sur le front russe en cette année 1915? En avril, les forces allemandes et autrichiennes lancent une offensive généralisée depuis la Baltique jusqu’en Ukraine. Si l’issue des combats est incertaine au Sud pour les Austro- hongrois, les troupes allemandes, appuyées par les renforts venus de l’Ouest, percent le front en Courlande, prenant Mitau/Jelgava en Lettonie. Au cours de l’été, les Russes sont contraints d’évacuer la Pologne, où Varsovie est prise le 5 août, et se replient sur une ligne qui, depuis le golfe de Riga, descend vers le sud en passant par Vilnius, que les Allemands prennent le 18 septembre. L’unité d’Alfred a été engagée dans cette offensive puisqu’à la date du 11 août on lit dans les Kriegserlebnisse: «Alfred muss wieder ins Feld» [Alfred doit retourner au combat]; le 24 août parvient une carte d’Ostrow/Ostrowo, ville de Pologne orientale - à l'époque prussienne - à l’est de Varsovie, qui confirme la présence du régiment dans la zone des combats.