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Place de la Liberté (mars 1936)


















































                 

La rencontre / Les fiançailles / Le mariage / Le temps des voyages

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Macaronis et kougelhopf

Dès lors Jeanne, en bonne ménagère, se lance dans la cuisine avec son petit fourneau, en commençant par des macaronis aux tomates et une soupe. Elle note en effet consciencieusement les menus. Selon l’habitude alsacienne, il doit s’agir des menus du déjeuner, le souper étant traditionnellement léger. Cela suppose que Jean rentre à midi - sans doute en bicyclette - venant de Rosheim qui est tout à côté; d’ailleurs Jeanne mentionne son absence quand un jour il ne rentre pas pour le déjeuner à cause de la pluie. Les repas sont simples: pour son oncle Paul Schmitt, qui leur rend visite à la mi-octobre, Jeanne prépare des biftecks-salade et une crème au chocolat. Formée à la maison par l’exemple, à l’école par les cours d’éducation ménagère, la jeune mariée, devenue mère de famille, fera plus tard une bonne cuisine familiale à coloration alsacienne, c’est-à-dire que les féculents y prédomineront sur les légumes, le beurre sur l’huile. Cette cuisine à l’accent régional culmine dans la confection des desserts: kougelhopf du dimanche (remplacé ultérieurement par une version allégée, le «gâteau madeleine», cuit dans un moule à savarin), tartes aux fruits selon les saisons, «schangala» (beignets) à l’occasion, et à Noël les «bredala» (petits sablés) découpés à l’emporte-pièce en forme d’étoiles, de coeurs, etc.

    Malgré ces débuts d’installation les week-ends sont cependant toujours passés à Mulhouse, rue de l’Espérance, avec souvent un souper chez les Krebs quand on ne va pas skier, comme le 22 décembre au Schaffert ou le 9 février au Markstein, ou encore rendre visite à la tante Sophie, comme le 3 mars dans un paysage dès lors sans neige. Les jeunes mariés repartent séparément, Jean devant toujours prendre son train matinal de 6 h 15, le lundi, pour se rendre à son travail, alors que Jeanne prend son temps et ne part que vers midi, ou même dans l’après-midi. Il lui arrive aussi de revenir un jour plus tôt que son mari. On mesure à ces détails le caractère provisoire de leur situation: Mulhouse reste pour le moment leur point fixe.

    Et de fait, cette existence, qui se met timidement en place, va rapidement être troublée par les obligations professionnelles de Jean. Dès le lundi 28 octobre, il doit reprendre le chemin de l’établissement de Stosswihr - et non plus Rosheim - tandis que Jeanne reste à Mulhouse. Ils mènent ainsi à nouveau une existence séparée durant la semaine. Jeanne se contente, deux mercredis de suite, de passer à Stosswihr en allant rendre visite à sa tante du Hohrodberg. Nouveau changement, cependant, au bout d’un mois: c’est ensemble que le 25 novembre ils partent de Mulhouse à 6 h 15 pour regagner Obernai. La vie commune, interrompue pendant un mois, reprend dès lors et les menus refont leur apparition. Et pourtant la routine n’a pas le temps de s’installer puisque, le lundi 16 décembre, Jeanne laisse à nouveau son mari partir seul - pour Stosswihr? - par son train matinal.

    Restée à Mulhouse, elle reçoit ce jour-là la visite de son petit-cousin André Hild. Celui-ci n'a pas gardé souvenir de cette visite, mais se remémorait encore, en 2005, une autre visite, l’année précédente, alors que Jeanne n’était encore que fiancée; il passait alors par Mulhouse à l’occasion d’une randonnée en vélo jusqu’aux sources du Doubs avec des camarades carabins. Après le passage du cousin, Jeanne, pour se distraire de l'absence de son mari, accompagne Xénia en ville, notant dans son agenda à côté du nom de sa belle-soeur la parenthèse énigmatique: «frivolité». Il est vrai que Xénia, qui a 20 ans, est encore dans l’euphorie de son retour à la vie «normale» et que, par ailleurs, les belles-sœurs ne se sont jamais beaucoup appréciées. Pour se changer les idées Jeanne entreprend aussi de petites escapades: elle se rend deux fois à Strasbourg où elle rencontre ses anciennes condisciples Marthe Stahl et Marthe Schwamb. Le 19 décembre elle entreprend un voyage de trois jours qui la mène à Fribourg-en-Brisgau où elle loge la première nuit à l'Armée du Salut, puis à la Pension Meyer - Röderstrasse. Le retour se fait par Andolsheim et Horbourg, avec visite à son ancienne condisciple Mathilde Rebert et à son "cousin" Paul Obrecht, le boulanger. 

    Et l’année se termine avec cette note du 28 décembre: «Jean déménage». Cette indication sibylline peut se comprendre de différentes façons: abandon de la chambre d'hôtel à Stosswihr ou de la chambrette de Rosheim où il aurait pu laisser des affaires, ou encore déménagement de divers objets personnels depuis Mulhouse. Elle signifie en tout cas la mutation durable de Jean et une installation provisoirement stable à Obernai. L’agenda de 1936 n’étant pas conservé, on ne peut avoir la confirmation de ce qui a dû être une bonne nouvelle. On ne retrouve le fil qu’en mai 1936 avec le départ pour la Tchécoslovaquie.

    La tradition familiale a gardé sur un tableau de marqueterie de l’atelier Spindler le souvenir de la pittoresque maisonnette de Rosheim, avec sa petite fenêtre donnant sur la place, comme premier «nid» - très provisoire – du jeune ménage. C’est encore à la ville de Rosheim que Jean s’adresse, en janvier 1939, quand il a besoin d’un certificat de domicile (la commune lui répond en lui demandant d’indiquer «chez qui» il a habité). 

 











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