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J.Obrecht à Hinterzarten









La rencontre / Les fiançailles / Le mariage / Le temps des voyages

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Le bonheur est dans un pré de marguerites 

Le voyage inaugural conduit le jeune couple en Tchécoslovaquie. Une première carte du 8 mai 1936 est expédiée de Königinhof/Dvur Kralové et montre quelques bâtiments de style baroque dans un environnement de verdure, «comme à Lucelle à peu près». On est en effet au pied des Monts des Géants et l'abondance des eaux vives a favorisé le développement d'une importante industrie textile qui a toutefois souffert de la crise. Le cahier évoquera plus en détail, lors d’un second séjour, une jolie ville de 17 000 habitants située au nord-est de la Bohême au bord de l’Elbe. Au centre de la cité: une place carrée entourée d’arcades, une fontaine et un monument. Le couple loge à Königinhof, mais Jean, qui travaille dans le village voisin de Mastig/Mostek, ne peut revenir à midi, les communications étant mauvaises. L’ennui pointe chez son épouse: «je suis seule toute la journée», «enfin s’il fait beau le temps passera aussi»; elle regrette que sa mère ne puisse la rejoindre. C'est peut-être suite à cet accès de mélancolie que Jeanne interrompt son séjour avant la fin du premier mois, comme en témoignent des photographies prises au Hohrodberg sur la terrasse de sa tante Sophie le 27 mai. Cette absence est toutefois de courte durée et la mélancolie passagère, puisque c’est à Mastig, le 6 juin, qu’ont été prises les photographies immortalisant le bonheur de Jean et Jeanne sur un talus fleuri de marguerites.















































L'usine Mandl en 1911
     

Le lieu de l'exécution    

    
    On déménage en effet pour Mastig, village d'un millier d'habitants aux maisons disséminées, qui compte cependant une auberge, le Gasthaus Gernert. Une carte du 11 juin et des photographies montrent l’usine Adolf
Mandl Junior, filature et tissage de coton, fondée en 1903 par un israélite originaire de Königinhof. Les vastes bâtiments de cet établissement de 46 000 broches s'étendent un peu à l'écart du village dans un cadre de verdure. L'appartenance confessionnelle des dirigeants confirme, comme le fera remarquer Jean bien plus tard, que l’industrie de la région est entre des mains juives, ce qui fait qu'un antisémitisme commun se superpose à l’antagonisme latent entre Tchèques et Allemands. Celui-ci se manifestera violemment à la fin de la seconde guerre mondiale lors de règlements de compte dont l'un aura lieu précisément à l'usine Mandl. Le 2 juin 1945, sur le terrain de sport des soldats tchèques exécutent devant la population réunie cinq personnes accusées de collaboration avec les Allemands. Parmi les fusillés Joseph Tauchmann, un cadre de l'usine que Jean a peut-être rencontré.

Parenthèse: le destin ultérieur de l'usine; sa démolition au cours de l'hiver 2012-13:

     
décembre 2012 - janvier 2013  

  Mais revenons en 1936. En ce début d'été la canicule règne, et Jean et Jeanne se baignent tous les soirs dans l’étang derrière la pension. La jeune mariée ne peut cependant pas se défaire d’une certaine nostalgie, elle évoque le Quatelbach, la rivière bordant le jardin de Modenheim, et elle confie à sa mère, qu’elle imagine en train de faire des confitures: «comme j’aimerais t’aider».

    Ce premier séjour se termine enfin en août et Jeanne semble prendre les devants pour rejoindre plus rapidement sa mère. Toutes deux partent en effet seules pour une destination qu'elles connaissent déjà: Hinterzarten dans la Forêt-Noire, comme si elles voulaient remonter le temps et retouver leur ancienne intimité. Elles logent chez Imbery, un hôtel-restaurant qui existe toujours, et explorent à nouveau la région à partir du 10 août au plus tard: Titisee, Ravennaschlucht, Löffeltal. Comme à l'époque des fiançailles Jean ne fait qu'une courte apparition le 15 août, le temps de gagner Constance pour un survol du lac en hydravion Dornier. On peut supposer que son contrat vient de se terminer et qu'il rejoint ses parents. C'est alors pour un temps la configuration Obrecht-Schmitt d'avant le mariage qui est recréée quand le grand-père Jean Obrecht vient à son tour rejoindre les deux femmes pour terminer cette semaine de ressourcement familial.

Mastig le 6 juin 1936