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Les ancêtres / A l’aube du souvenir / Les Schray et Stoll / Hans et Anna /
Jean et les autres
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Un fabuleux grand-père

Johannes/Hans/Jean Krebs est né le 9 août 1887 à Affoltern/Albis. Mais d’abord comment le nommer? Baptisé officiellement Johannes comme son oncle, il sera en fait Hans ou Jean selon les époques, partageant le sort des Alsaciens, dont il est devenu le concitoyen, ballottés entre la France et l’Allemagne. Pour ses voisins il était "Harr Krabs" dans le dialecte haut-rhinois. Quoique très attaché aux traditions helvétiques, il a abandonné le prénom vieilli de Johannes pour celui plus simple de Hans. Appelons-le ainsi pour le distinguer de son oncle Johannes et de son fils Jean.

    En  raison  des déménagements de son père, il fréquentera diverses écoles dans trois pays - "environ 12 ou 15" au dire de sa fille Xénia qui exagérait peut-être un peu. La première photographie qu'on ait de lui le montre, à l'âge de trois ans à Affoltern, encore vêtu d'une robe et s'appuyant à une chaise. Il s'agit d'un agrandissement offert à Hans par son épouse à l'occasion de leur mariage. Une photographie de classe le montre ensuite parmi une quarantaine de filles et garçons étagés sur un perron de facture classique avec leur instituteur barbu, et cette indication manuscrite: "Horgen (Zurich) 1898". En Suisse toujours, on rapporte que, habitant un canton ultra-catholique du centre du pays, l'accès à l'école lui est refusé par un curé sectaire. Pour aller dans un établissement acceptant les protestants il doit faire, main dans la main avec son petit frère, un long trajet le long d'un lac qui effraie l'imagination des bambins. Ensuite il sera scolarisé en France à Palante, puis en Allemagne, à la "Central-Schule" de Mulhouse, lors de l'installation de la famille dans cette ville. Cette école, inaugurée en 1837 Place Ste-Marie, accueillait à l'origine tous les enfants scolarisés de la ville (Albert Schweitzer a habité dans le logement de fonction de cette école auprès de son grand-oncle, directeur). Elle a été détruite pour faire place à un parking dans les années 1960.

     De cette scolarité erratique seul un carnet scolaire de l'école mulhousienne a été conservé (classe 2e B, année 1900-1901). Il y est noté comme strebsam [appliqué], et les appréciations par matières sur les bulletins se situent entre gut [bien] et genügend [passable]. La page prévue pour la classe de 1ère est barrée et renvoie à un Entlassungszeugnis [certificat de fin de scolarité] du 10 août 1901. On doit comprendre que sa scolarité s'est achevée à cette date à l'âge de 14 ans. De cette période on rapporte qu'il s'est un jour battu avec un camarade de classe qui le traitait de Walchgückel [petit coq gaulois], tandis que lui le qualifiait de Schmalzkopf [tête de lard]. Sa précoce francophilie lui a valu cette dispute, dont il lui est resté cette légère cassure du nez caractéristique. Plus tard, il suivra encore pendant un semestre d'hiver une formation post-scolaire (Allgemeine Fortbildungs-Schule), comme en témoigne un certificat du 15 mars 1905 qui lui attribue un gut en allemand, un sehr gut en français et un gut en calcul et géométrie.

     Intelligent, il se dotera de solides connaissances sans avoir fait d'études. En 1904 il avait constitué une "bibliothèque familiale" en numérotant le peu de livres qu'il possédait et en ornant les pages de garde d'ex-libris patriotiques et de croix helvétiques. Il s'agit de livres de piété protestante, dans la mouvance du piétisme, comme il devait en circuler au XIXe siècle dans les familles paysannes bernoises.  En voici la courte liste: n°1: Andachtsübungen und Gebete von G.J.Zollikofer/ Evangelischer reformirter Prediger in Leipzig - Leipzig 1793; n°2: Neu-vermehrter evangelischer Send-Brief [...] von einem Bekenner der wahrheit um des evangelischen Glaubens willen vertriebenen Bergmann aus Salzburg - Reutlingen 1821; n°3: M. Valentin Wudrians, Pastor der Hauptkirche zu St-Peter in Hamburg Creutz-Schul [...] - Reutlingen 1830. Ces livres ont été certainement  choisis moins pour leur contenu que pour leur présence ancienne dans la famille. On peut douter qu'il les ait jamais lus. Les inscriptions sur les pages de garde insistent emphatiquement - avec une orthographe volontairement archaïque - sur cet aspect patrimonial: "Vererbtes Familieneigenthum auf Ewige Zeyten der Familie Krebs" [Patrimoine familial héréditaire de la famille Krebs pour l'Eternité]. Ce besoin caractéristique d'enracinement dans une tradition familiale et nationale semble être une réaction à l'instabilité paternelle et à l'angoisse qu'elle a pu générer chez l'enfant.

    Il avait un beau coup de crayon, comme en témoigne, par exemple, un portrait à l’encre de Bonaparte réalisé en 1917, par lequel il exprimait symboliquement le vœu d’une prochaine victoire française; ou encore ce livret, destiné à recueillir des poésies, qu’il offre «A sa chère fille Xénia» le 4 juin 1926. Il y a représenté un chamois dans un paysage de montagnes agrémenté des écussons suisse et français. Son fils Paul hérite de ce don artistique et orne ce recueil, en 1927, d’un beau dessin à l’encre. Chez son fils Jean ce talent se manifestera par de remarquables dessins industriels (schémas de machines vues en coupe). En cela ce dernier réalise le rêve de son père qui, pressenti pour entrer dans un atelier de dessins pour l’impression sur étoffe, avait refusé en déclarant vouloir dessiner des machines et non des fleurs…et devint donc laitier.

    Ses portraits de jeunesse le montrent grand, mince, moustachu et portant beau. Son sens marqué de l’humour, qui s’exprimait jusque dans les histoires qu’il imaginait pour ses petits-enfants, s’effacera peu à peu avec l’âge derrière un pessimisme généralisé. Le journal qu’il tiendra à partir du décès de son épouse Anna est truffé de croix qui signalent ses accès de dépression, causés aussi bien par un drame familial que par un incident bénin comme la panne d’un chauffe-eau. Ses petits-enfants et arrière-petits-enfants (qui l’appelaient grand-papa tic-tac
, une traduction fantaisiste de "Urgrossvater") l’ont toujours connu le crâne largement dégarni, coiffé d’un béret et vêtu d’un éternel tablier bleu de jardinier avec une poche kangourou qui lui servait pour ranger sa pipe et son tabac. Il fallait une grande occasion pour qu’il mette veste et gilet et s’offre un  «Stumpa», un cigare suisse de l’espèce rustique.



                        
                                                 
                                                   
  



















































en fumant un "Stumpa"