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A la maison, pour longtemps

Le 1er septembre 1938, c’est l’emménagement au 44, rue de Habsheim (rebaptisée August Klug pendant l’occupation allemande, du nom du maire de la ville de 1908 à 1913) dans une maison achetée à M. Louis Lemaître pour un prix de 148.000 F. L’acte est signé le 31 août chez Maître Albert During, notaire à Mulhouse, 43 Bd. du Maréchal Pétain (l'ancien Quai du Fossé qui a retrouvé son nom après la guerre, avant de devenir Av. du Président Kennedy). La maison, construite en 1925, comporte une dépendance: garage et grenier à foin, ainsi qu’un atelier sentant la graisse et les vieux tonneaux. Dans la cour Hans élève des poules et des lapins auxquels il donne des noms pour amuser ses petits-enfants (ex: Béni-Bouftou). Non loin de là se trouvait la caserne Barbanègre, qui a remplacé en 1904 l'ancienne Kaserne Prinz karl von Baden, et dont la porte monumentale annoncerait plus tard aux petits-enfants l'arrivée à destination lors des longs voyages automobiles de Saint-Quentin à Mulhouse.

    La maison possédait un jardin de 4 ares 76 centiares; un deuxième jardin attenant a été acheté par la suite, puis les deux ont été successivement vendus. Sur celui de gauche on a construit un petit immeuble de rapport; celui de droite était trop exigu pour être constructible. Plusieurs grands cerisiers fournissaient la matière première du kirsch, distillé - après la macération des fruits en fûts - dans l’alambic municipal que Hans faisait venir grâce à un privilège de bouilleur de cru. Dans les années 1960 ces cerisiers fournissaient entre 7 et 10 litres d’eau-de-vie à partager avec les voisins ayant prêté leur aide à la cueillette. C’est cette maison qui a été vendue 180.000 Euros en 2004, à la mort de Xénia qui y aura donc vécu 66 ans.

    A la déclaration de guerre les parents Krebs, craignant que ne se renouvellent les affrontements d'août 1914, quittent précipitemment Mulhouse dès le 5 septembre 1939 pour se réfugier auprès de leur fils à Saint-Quentin. Ils emmènent avec eux dans leur Citroën la mère et le grand-père de Jeanne, son épouse. De cet exode mémorable il reste le souvenir d'une bielle coulée dans la redoutable côte de Festieux, un peu avant Laon. Tout ce monde vient s'entasser dans une maison relativement petite, déjà occupée par le jeune couple et ses deux enfants (Dany et Liliane). Des frictions étaient d'autant plus inévitables que la situation semble s'éterniser. Enfin, au bout de deux mois, le 9 novembre 1939, Jeanne note - et souligne deux fois - dans son agenda: "Parents Krebs s'en vont". Il ne s'agit toutefois encore que d'un départ provisoire pour Villeneuve-Saint-Georges où réside la soeur d'Anna, Jeanne Stoll-Leblanc. Les "parents Krebs" sont en effet de retour avant la fin du mois et n'obtiennent un sauf-conduit pour Mulhouse que le 1er décembre. Hans et Anna partent enfin le 4, après une dernière photographie avec leurs petits-enfants dans les bras, comme symbole de l'harmonie familiale malgré tout préservée. La partie Obrecht-Schmitt de la parenté a pris les devants, le 2 décembre, et le calme est enfin revenu - provisoirement. 

   En effet, lors de la débâcle de juin 1940, Hans, toujours inquiet de nature, juge encore une fois prudent de s’éloigner de la frontière et de se réfugier à l'"intérieur" chez son fils. Les cartes d’évacuation numérotées fournies par l’administration et prévoyant un repli sur le «Centre de recueil de Masevaux» auront donc été inutiles Une affiche fournie par le consulat suisse place la maison durant son absence - théoriquement - sous la protection de la Confédération. Quant au mobilier, Hans en dresse, le 8 juin 1940, une liste détaillée sur un formulaire officiel de la mairie: Inventaire des biens meubles et immeubles laissés dans la Commune. En octobre, le séjour saint-quentinois se poursuivait encore puisqu’en date du 2 de ce mois Robert écrit à sa soeur Xénia avoir déconseillé à ses parents de retourner à Mulhouse, malgré l’impatience de sa mère.

à Saint-Quentin le 3/12/1939