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 Oppligen

 

 


 






 

Armoire de mariage de Anna Krebs
avec Hans Waber le 22/03/1753

(propriété de H.C. Waber)






Les ancêtres / A l’aube du souvenir / Les Schray et Stoll / Hans et Anna /
Jean et les autres
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Oppligen au début du XIXe siècle

Comment vivaient nos ancêtres aux temps anciens, à une époque cependant pas trop reculée pour qu'on puisse encore se représenter leur mode d'existence? On dispose de quelques éléments d'information grâce aux documents administratifs, assez disparates, conservés par la commune de Wichtrach dont dépend Oppligen.


     Lors d'un premier recensement de 1568 "Oplingen" comptait 11 maisons et était le plus petit hameau de la paroisse de Wichtrach qui comptait 75 maisons en tout. Un siècle plus tard, en 1653, on dénombrait 16 "foyers" à Oppligen sur un total de 107 pour la paroisse. Au recensement de 1799, complété en 1800, le village comptait 40 maisons, encore couvertes en chaume, abritant 250 habitants répartis en 48 foyers. La différence entre le nombre de maisons et de foyers vient de ce que dans certaines habitations coexistent deux générations - les parents et un fils marié - ou encore toute une fratrie avec femmes et enfants. Sur les 250 habitants 24 ont plus de 60 ans, dont 3 octogénaires. Les chefs de famille et/ou leurs épouses viennent souvent d'autres villages des environs. On peut supposer qu'il s'agit d'anciens valets de ferme qui ont repris une exploitation en fermage. Il faut en effet ajouter à la population de base les valets et servantes - certaines exploitations en comptent jusque six - qui viennent toujours de l'extérieur et ont entre 17 et 30 ans, âge auquel ils se marient et cherchent à s'établir. Une famille a cependant gardé une servante de 70 ans. De même trois femmes très âgées reçoivent le gîte et le couvert dans une famille, peut-être moyennant une petite subvention de la commune. Enfin deux hommes sont mentionnés comme vagabonds. A la fin du siècle, d'après un Ortslexikon de 1890, Oppligen comptera 440 habitants.

    La région où alternent prairies, cult
ures céréalières et forêts, est relativement riche. Le cours de l'Aar constitue une importante artère pour le transport des personnes et des marchandises, en particulier le bois flotté. Le fleuve est bordé de prairies humides utilisées comme pacages communaux (Allmend). Le lin cultivé sur place et le coton importé, filés et tissés artisanalement, fournissent des ressources d'appoint avant que la concurrence étrangère ne mette fin à cette activité. La fabrication de poterie artisanale contribue peu ou prou au budget de quelques ménages. La disparité est cependant forte entre une classe de paysans aisés, qu'on estime à un quart de la population, et les "Tauner", un prolétariat rural de paysans pauvres et petits artisans. Un rapport de 1764 dresse pour la commune de Wichtrach une statistique de la pauvreté qui ne doit pas être très différente un demi-siècle plus tard. Le rapport ne distingue pas moins de dix catégories d'indigents: parents "chargés d'enfants", fils et filles sans ressources, veuves, hommes d'âge moyen, vieilles femmes, etc... Une centaine de personnes sont comptabilisées - parfois dans deux catégories - comme dépendant en partie ou entièrement des subsides de la commune, du conseil des notables (Ehrbarkeit) ou du gouvernement bernois. Tout en bas de l'échelle on compte huit mendiants, dont la veuve d'un Hans Krebs.

    En 1800 24 personnes, soit environ 1/10 de la population d'Oppligen, portent le nom de Krebs. Parmi ceux-ci on distingue trois familles principales descendant directement de ce Hans Krebs (1655-1733) qui le premier s'est installé à Oppligen. La famille qui nous intéresse au premier chef est celle de son petit-fils Hans (1751-1829), marié à une petite-cousine, Elisabeth Krebs. Il est en effet - comme on l'a vu - notre ancêtre direct par un de ses six enfants, Christen (1783-1846) alors âgé de 16 ans. Les deux autres familles sont celles de deux arrière-petit-fils du précurseur mentionné: il s'agit de Christen (1757-1805), père de six enfants à l'époque, et de Niclaus (1758-1822), père de quatre enfants, dont un illégitime. On trouve encore deux petites-filles de l'ancêtre, des célibataires vivant chez leur mère: Barbara (1744-1819) et Anna (1751-1817) qui se tuera en tombant d'un cerisier. D'une lignée collatérale sont issus un Hans (1764-1847), sans descendance, et sa soeur Elisabeth (1766-1847) qui a fait un beau mariage puisqu'elle occupe six employés.

    Quelle est la situation économique des trois familles signalées? On note que d'une part elles n'emploient pas de personnel et que, d'autre part, elles comptent un nombre relativement élevé d'enfants. Les chefs de famille appartiennent vraisemblablement à la catégorie la plus modeste de la population, sans cependant être miséreux. Ils n'occupent aucune de ces fonctions qui en feraient des notables villageois. Deux d'entre eux ont une profession: Niclaus est tonnelier comme son père et Christen est potier, une activité qui existe toujours dans la région. Quant à notre Hans il est paysan puisqu'aucun métier n'est mentionné.

    Quelle pouvait être la taille de son exploitation? Un registre foncier de 1837 fournit des indications sur la superficie des terres ainsi que sur la nature et la valeur des bâtiments rattachés à chaque exploitation d'Oppligen. L'unité de mesure de la superficie est le Jucharte (3340 m2), divisé en huitièmes, soit 430 m2.  Ces unités de mesure ont une valeur approximative qui varie d'une région à l'autre et même selon la nature du terrain (prairie, champ ou bois). Il ressort du registre que les propriétés sont très modestes et morcelées en parcelles de superficie restreinte. A Oppligen en 1837 six propriétaires répondent au nom de Krebs et ne comptent pas parmi les mieux lotis puisqu'ils possèdent entre 1ha 1/2 et 9ha, prairies et champs confondus, dont le pré (Hausmatt) qui entoure traditionnellement la ferme. A cela s'ajoutent des droits d'exploitation de la forêt communale. A titre de comparaison l'Amman Johannes Zimmermann, possède 17ha 1/2 et deux bâtiments. A l'inverse certains habitants ne sont enregistrés que pour une minuscule parcelle de prairie ou même de lande marécageuse. Pour chaque exploitation le registre recense un corps de ferme qui abrite ausi l'étable, une annexe où est installé le four (Ofenhaus) et une grange (Speicher), plus éventuellement un abri pour un attelage.

    "Notre" propriété familiale est vraisemblablement celle que le registre de 1837 attribue à un Hans Krebs, sans précision, mais dans le patrimoine duquel on retrouve deux champs ayant appartenu à notre ancêtre David (cf. p.3): le Grossacker et le Langenberg Acker. Il s'agirait donc du petit-fils de ce dernier, Hans né en 1776. Il possède 4 Jucharten de champs et autant de prés, soit environ 2ha 7a en tout, à comparer aux 4ha qui, selon les estimations, sont nécessaires dans la région pour nourrir une famille. Avec une demi-habitation, un four et les droits forestiers, la propriété est estimée à 915 livres. Il est probable que cette modeste propriété, reste du patrimoine de David, soit passée à son fils Hans (1751-1829), puis à l'aîné de ses petits-fils Hans, les cinq autres enfants, dont notre ancêtre Christen (1783-1846), devant se contenter d'une compensation financière.
   
 
    La possession de la terre constitue la base de l'existence dans cette société rurale. Il est donc parfois nécessaire de s'endetter pour parvenir à un capital foncier suffisant, pour rembourser leur part aux cohéritiers de la ferme, combler les pertes occasionnées par les mauvaises années ou une mauvaise gestion. On sait par un document qu'en 1608 Hans Krebs (né en 1582), un des fils du "patriarche", paie au trésor ecclésiastique (Pfrund) un intérêt de 25 couronnes l'an, payable à la Saint-Michel. A l'époque en effet des prêts sont accordés par la caisse paroissiale, elle-même alimentée par les revenus fonciers de l'église. Au XVIIIe siècle persiste en outre toujours une caisse spéciale (Täufergut), alimentée à l'origine par la saisie des biens des anabaptistes. En 1750 les fils de Hans Krebs l'Ammann, Bendicht et Niclaus, ainsi que son petit-fils Hans contractent chacun une obligation sur cette caisse. Les prêts entre particuliers, certainement nombreux,n'apparaissent qu'occasionnellement. Ainsi ces mêmes noms sont cités comme débiteurs dans le compte de tutelle d'un Niclaus Rubi.  Plus tard, en 1800, c'est encore à la caisse de l'église que notre ancêtre Hans Krebs (1751-1829) est redevable d'un prêt de 60 couronnes tandis que son cousin Niclaus Krebs (1758-1822), le tonnelier, est engagé pour un prêt de 30 couronnes et son petit-cousin Christen Krebs (1757-1805), le potier, pour un prêt de 180 couronnes. Dans ce milieu paysan traditionaliste l'église continue au cours du XIXe siècle de tenir un registre des créances (Zinsrodel), ecclésiastiques ou non, consignant les obligations avec le nom du débiteur ainsi que le relevé annuel des intérêts payés.

    Ces créances perdurent des décennies et peuvent se transmettre d'une génération à l'autre. Ainsi un prêt de 60 couronnes ou 150 livres, assorti d'un intérêt de 4% l'an payable le 9 févrie
r, souscrit par David Krebs en 1784, se retrouve encore à la charge de son fils Hans qui, mauvais payeur, ne s'acquitte des intérêts entre 1797 et 1803 que par tranches de plusieurs annuités. C'est ensuite au tour d'un des petit-fils, Bendicht (1791-1851), d'assumer le paiement des intérêts jusqu'à ce que l'obligation soit reprise en 1844 par un Johannes Vögeli. Entre-temps, en mai 1830, ce même Bendicht contracte un nouveau prêt obligataire de 150 couronnes avec la garantie de son frère Christen (1783-1846), notre ancêtre, et de Christen Tschanz, son beau-frère. C'est un Tschanz qui, à la suite de quelque arrangement familial, rembourse ce prêt en 1855.

    Il s'agit là d'emprunts modestes qui peuvent être traités par la paroisse ou la commune. Pour les emprunts de plusieurs milliers de livres comme ceux effectués par David Krebs (cf. p3), pour lesquels l'aval du tribunal est nécessaire, le prêteur n'apparaît pas. Ces affaires considérables doivent être consignées dans les minutes de notaires de Berne mettant en rapport  riches patriciens et paysans impécunieux.

    Quelle était l'alimentation de nos ancêtres au XIXe siècle? On a des informations par le journal qu'a tenu entre 1820 et 1870 un habitant d'Oppligen, Jakob Dähler, futur conseiller cantonal. La nourriture reste frugale avec une prédominance de pain d'épeautre, de lait, fromage et soupe. Les fruits du verger, frais ou séchés, et les légumes du jardin tiennent une place importante alors que la viande n'est pas consommée régulièrement. Depuis le XVIIIe siècle la part de la pomme de terre dans l'alimentation de base a augmenté progressivement, d'où la catastrophe qu'a représentée en 1845 encore la "maladie de la pomme de terre". La seule denrée de luxe, le café, est d'abord réservée au dimanche avant de gagner les autres jours de la semaine jusqu'à devenir un accompagnement courant des repas. Le vin, additionné d'épices et de sucre, n'est plus produit localement, mais importé du pays de Vaud. Il est consommé au cabaret, le samedi soir et le dimanche après-midi, mais aussi évidemment les autes jours pour les moins sobres. 

 
    Quel était le degré d'éducation en ce début du XIXe siècle? Nos ancêtres ont fréquenté l'école du village qui a l'obligation depuis le début du XVIIe, comme toute paroisse en pays bernois, d'ouvrir une école dont la surveillance incombe au pasteur. La paroisse de Wichtrach est suffisamment peuplée pour que les hameaux d'Oppligen et Kiesen aient en commun leur propre école. En 1800 l'école est encore entièrement dépendante financièrement de la caisse paroissiale, en particulier pour le maigre salaire des enseignants, recrutés localement, qui ne peuvent subsister qu'avec une activité d'appoint. Ainsi en septembre 1800, Christian Vögeli, le maître d'école de Kiesen/Oppligen touche 1 couronne 12 batzen et 2 kreutzer pour  l'"école d'été"; puis, en mars 1801, 21 batzen pour l'"école d'hiver". Ce salaire est à comparer aux 24,1 couronnes perçus par le greffier communal. Toutefois, en mars 1802, Vögeli touchera une prime de 10 couronnes pour ses activités de police et en avril 8 muids de céréales d'une valeur de 32 couronnes seront répartis entre les quatre instituteurs de la paroisse. Les dépenses annexes - fourniture de livres, papier et encre - pèsent plus lourd dans le budget communal que les dépenses de personnel. Sont comptabilisées aussi les interventions du médecin et les récompenses distribuées lors de l'examen de fin d'année en mars.

    Sous l'impulsion du jeune et énergique pasteur Joh. Rudolf Wyss, nommé à Wichtrach en avril 1808, il est procédé à une réorganisation du système scolaire de la commune. Le pasteur agit conjointement avec Rudolf Effinger, le châtelain de Kiesen, nommé la même année Oberamtmann du district de Konolfingen. Avec l'Acte de Médiation de 1803 l'Eglise a retrouvé une influence sur l'école qui lui avait été contestée par la République Helvétique. Toutefois les deux hommes sont ouverts aux idées nouvelles et le modèle administratif napoléonien avec sa rationalité inspire les nouveaux statuts promulgués en 1810. L'école, tout en restant sous la tutelle du pasteur, est dorénavant aussi l'affaire de la commune et sa commission scolaire, en particulier pour son financement (avec une modeste participation de l'église et même une fondation privée). C'est le pasteur lui-même qui demande que les examens terminaux aient lieu en classe et non plus à l'église. L'exigence de qualité est renforcée et en 1812 deux institeurs sont destitués pour insuffisance et ivrognerie

 Sur le plan pratique le document de 1810 organise la séparation des écoles de Kiesen et Oppligen et fournit des informations concrètes sur leur fonctionnement. Oppligen aura désormais sa propre école sur un terrain d'environ 400m2; le salaire du maître est fixé, avec un "pourboire", pour la période scolaire proprement dite (6 heures par jour de la Saint-Martin à l'Annonciation) à 7 couronnes 12 batzen et 2 kreuzer, et pour la courte période d'été à 18 batzen 3 kreuzer. Au numéraire s'ajoutent des avantages en nature: 1 stère 1/2 de bois que l'instituteur devra charrier lui-même depuis la forêt et deux muids (Mütt) d'épeautre, soit 336 litres, fournis par le trésorier ecclésiastique. La commune livre en revanche le bois de chauffage de la salle de classe. En 1818 la période d'été passe de 40 à 48 matinées avec une compensation pour le maître.

    Le bâtiment - où loge aussi l'instituteur - est agrandi en 1833. Un devis de 1839 prévoit la construction d'un nouveau bâtiment qui apparemment n'est toujours pas réalisé en 1850 puisque le même devis est reproduit. L'école rassemble garçons et filles, en principe entre 6 et 12 ans, en une classe unique divisée en 6 groupes d'âge. Elle fonctionne tous les jours ouvrables pendant 6 heures durant la période d'hiver et 40 matinées - de 7h à 10h - durant la période d'été. On y enseigne la lecture par la récitation du catéchisme (Heidelberger Katechismus), l'écriture et des rudiments de calcul; les élèves les plus âgés - et les plus doués - s'exercent à la rédaction; le chant tient une place importante, le "Schulmeister" étant aussi chef de choeur à l'église. Quant aux effectifs ils ont de quoi surprendre. On les connaît d'après les procès-verbaux établis lors des examens de fin d'année par la commission scolaire. En 1844, année où la commission comprend un Samuel Krebs pour Niederwichtrach et un Jacob Krebs pour Oppligen, on recense 100 élèves à l'école d'Oppligen, 100 à Kiesen, 109 à Oberwichtrach et 145 à Niederwichtrach. Après la scolarité proprement dite deux ans de catéchisme permettaient de rafraîchir les connaissances et conduisaient à la communion vers 17 ans, après quoi on était considéré comme en âge de subvenir à ses besoins par son travail.

    Une gravure d'époque, intitulée La Prière - costumes du canton de Berne, un des rares objets anciens transmis dans la famille, suggère une image de cette société rurale manifestement idéalisée à la manière de Jeremias Gotthelf, le romancier local contemporain. Un patriarche barbu, en guêtres et culotte de velours, le bonnet à pompon à la main, préside à la table où trois générations s'apprêtent à partager un frugal repas de pain et de fromage. La Stube au plafond bas est rustiquement meublée, les attitudes respirent la piété; la jeune mère semble une madone, la servante debout et jusqu'aux animaux familiers - un chat et un chien - participent à la dévotion générale.



    Que la réalité ait été très différente, c'est ce que nous apprennent les protocoles du Chorgericht de Wichtrach, une sorte de justice de paix dont les principales affaires sont les querelles familiales, les tapages après beuverie et surtout les procès en paternité. Cet aspect de la vie à Oppligen relève de l'histoire des mentalités.


 
 














archives communales
 Wichtrach



















































           
               















chaises bernoises

(propriété de la famille Krebs)