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à La Clusaz


 



Les Obrecht / Les Hild / Les Schmitt / Les Obrecht-Schmitt

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Deux Alsaciennes en France

L’accueil des stagiaires a donné lieu à une cérémonie avec discours de bienvenue. Jeanne y assiste avec une autre jeune collègue alsacienne qui a pris deux feuillets de notes; celles-ci ont été conservées et donnent le ton de l’époque. L’un des intervenants salue, parmi les stagiaires, les deux Alsaciennes «et avec elles tous nos frères alsaciens et lorrains des provinces retrouvées». Un autre - le Professeur André Latarjet, de la Faculté de médecine de Lyon, promoteur du sport à l'école - évoque «Deux gentilles Alsaciennes qui sont sûrement de braves françaises»; la collègue de Jeanne commente malicieusement: «Oh oui, Monsieur le Directeur!». Il est curieux de constater que ces accents patriotiques ont encore cours quinze ans après la fin de la guerre.

      Si on salue la France en la personne des Alsaciennes, on ne se méfie pas moins, dans les hautes sphères de l’Instruction Publique, de leurs accointances germaniques. Il leur est remis une circulaire du Directeur de l’Enseignement Primaire, Ch. Bock, en date du 10 janvier 1932: Instructions pour le Personnel des Départements de Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle en stage pédagogique dans les autres départements. On y lit en particulier:

«Pour acquérir une bonne prononciation il est désirable qu’ils [les stagiaires] lisent souvent à haute voix [...] Ils éviteront avec le plus grand soin de recourir au dialecte maternel ou à l’allemand avec des collègues alsaciens ou lorrains [...] Pour graduer les difficultés, ils agiront sagement au début, en n’assistant qu’à des leçons appropriées à leur degré de connaissance du français».

    Par une lettre de l'Inspecteur d'Académie on apprend que Jeanne, d'abord iscrite en stage à l'école de Bonneville, est affectée à partir du 30 janvier 1933 à l'école primaire de filles des Balmettes à Annecy. Cette école a depuis fait place à l'actuel collège des Balmettes dans la rue du même nom. Le stage pédagogique inclut lui-même un stage de ski qui se déroule du 2 au 5 février à Chamonix. Jeanne a gardé le copieux programme de cette heureuse diversion. Ont été prévus des exercices pratiques, des conférences à l'Apollo Cinéma, dont une par Alfred Couttet (1889-1974), champion de France de ski et alpiniste renommé, un film, une excursion (montée en funiculaire à Plampraz), une promenade aux Bossons, un thé dansant à l'Hôtel d'Angleterre, un banquet à l'Hôtel de la Poste et, comme clou du stage, une soirée dansante à propos de laquelle la jeune institutrice note: "dansé avec M. l'Inspecteur de Saint-Julien". Auparavant les débutants - dont Jeanne - ont piétiné la neige à Montroc, près du Col de Balme, sous l'oeil bienveillant d'Alfred Couttet, la pipe à la bouche, de son ami Camille Couttet, du Professeur Latarjet et d'Emile-Georges Drigny, rédacteur sportif à l'Intransigeant.


                                                        
                                                                                     à Chinaillon

    Mais Jeanne profite aussi de son séjour pour continuer le ski après ce stage. Le dimanche 12 février elle est au Grand Bornand avec des collègues qui immortalisent une de ses chutes dans la neige à Chinaillon: les skis sont croisés, mais le visage est riant. Avec les mêmes, MM. Liard et Bel, elle est une semaine plus tard à La Clusaz et elle ose même ce commentaire au crayon sur M. Liard au dos d'une photographie: "der dumme Augustel". Ce mois de février étant décidemment fort occupé, elle reçoit la visite de sa mère et fait une demande de congé pour les vendredi 24 et samedi 25. L’Inspecteur ne peut que considérer avec bienveillance cette visite présentée comme «venant d’Alsace» et il accorde le congé. Jacqueline Haas participe à ce long week-end. Les trois femmes visitent ensemble consciencieusement pendant le week-end Lyon et Genève. Le lundi Jacqueline est encore là et les deux amies - enfin seules! - montent à La Clusaz où Jeanne s'essaie au saut à ski - avec le résultat qu'on devine. Enfin, en mars, Jeanne est autorisée, à sa demande, à terminer son stage à l’école maternelle des Balmettes dont la directrice est une Mme Veillard. De cette période il reste encore une enveloppe de l’Instruction Publique au dos de laquelle la jeune institutrice a griffonné un relevé de son salaire pour décembre 1932 et janvier 1933. En décembre elle a touché 1023,14 F, indemnité compensatrice (140 F) et indemnité de résidence (60,65 F) comprises.

    Avant de quitter la Savoie Jeanne profite de la présence de son amie Jacqueline pour entreprendre avec elle plusieurs excursions - dont certaines sportives - dans la région. Le jeudi 26 mars les deux jeunes filles descendent "en bécane" jusque Chambéry en passant par Aix-les-Bains et on leur souhaite d'être rentrées par un autre moyen de locomotion. Une semaine plus tard elles entreprennent, toujours sur leurs machines, le tour complet du lac d'Annecy. Entre-temps se situe une excursion de deux jours à Grenoble à l'occasion de la Fête des Nations. Par le Col de Porte enneigé elles poussent une pointe jusqu'à la Chartreuse avant de redescendre sur Grenoble et rentrer à Annecy. Leur tenue vestimentaire avec manteau de fourrure exclut pour cette fois un périple en "bécane". Pour terminer cet épisode de la vie de Jeanne: une nouvelle fois Jacqueline fait son apparition début avril et les amies montent au massif du Parmelan le jeudi 6, puis canotent sur le lac d'Annecy le lendemain. C'est un adieu à la Savoie

       Après l’intermède savoyard, le retour a dû être rude pour la jeune institutrice peu préparée à affronter une classe de bambins mal élevés. Deux photographies officielles, tirées sur carton, ont été prises en 1934, qui reproduisent cette ambiance morose: Jeanne avec cinq collègues, dont une femme, sur un perron; à leur pied une ardoise: «Rossalmend 1934»; la tenue des hommes est stricte, les deux femmes sont emmitouflées dans leur manteau. Sur l’autre photographie: Jeanne est sur le même perron, avec la même ardoise et 46 garçons - le nombre d’élèves qu’avait son grand-père en 1916. A Rossalmend Jeanne a loué en cette année un logement 2 rue des Trois-Rois à deux pas de l’école, dans une maison qui existe toujours. C'est là que Jean lui rend visite le samedi 29 septembre 1934, à la veille de deux échéances importantes: leurs fiançailles officielles le dimanche 30 et la rentrée des classes le lundi 1er octobre. Il en profite pour prendre des photos de la maison pimpante et de la chambre proprette égayée par un bouquet. La séparation d'avec son fiancé renforce le sentiment d'"exil" de Jeanne dans cette région minière; cependant la gare de Wittelsheim n’est qu’à quelques centaines de mètres de l’école et les communications avec Mulhouse sont donc commodes.

 


 






















Ecoutez la voix de Jeanne































2 rue des Trois-Rois