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       au  PCAO





 





    insigne du SFF







                           

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Notre lieutenant s'en va-t-en guerre

Alors qu’il entame sa carrière professionnelle, une lettre que lui envoie, le 5 mars 1939, un ancien de l’École de chimie sonne comme un rappel à l’ordre. Citant différents camarades plus ou moins avancés dans leur doctorat, celui-ci écrit à son ancien condisciple: «Je vous engage à soutenir vos thèses». Ces thèses - la principale et la complémentaire -  sont enfin soutenues avec succès à la Faculté des sciences de Paris, comme l’annonce aux parents un télégramme du 19 juillet 1939: «Reçu titre doctorat avec mention très honorable». Le sujet principal est intitulé: Contribution à l’étude des éthers thiolcarbamiques. Transformation des éthers thiolcarbamiques en halogénures d’acides alcoylsulfoniques. Dédié aux «chers parents», l’ouvrage est présenté comme le résultat d’un travail effectué de 1936 à 1938 au laboratoire du Professeur Battagay, le directeur de l’École de chimie de Mulhouse. L’impétrant remercie également les directeurs des établissements Kuhlmann pour leur aide matérielle. Il reste un exemplaire de ce travail de recherche: celui qu’il a envoyé à sa soeur, encore dans son enveloppe d’origine.  D'autres exemplaires sont conservés en bibliothèque à Leipzig, Yale et Chicago.    

    La guerre cependant va rattraper le nouveau docteur et marquer son existence d’une profonde césure.

    Le 28 juillet 1939, une carte adressée à Creil est renvoyée au sous-lieutenant de réserve R. Krebs au 7e BOA (Bataillon d'ouvriers d'artillerie - insigne: le lion de Belfort) à la caserne Friedrich de Belfort. On le voit à cette époque sur une photographie, parmi une cinquantaine de militaires en treillis, sous un panneau «7e batterie» dans la cour de cette caserne à l’architecture typique de l’Est. Il ne s’agit sans doute encore que d’une période militaire puisque, durant une grande partie du mois d’août, c’est à Creil qu’il reçoit et envoie les cartes d’anniversaire d’une famille dont plusieurs membres sont nés en août (son père, sa mère, sa soeur Xénia...et lui-même). Le 26 août, pourtant, la lettre d’un ami footballeur mulhousien fait à nouveau le détour par Belfort. Le correspondant, après avoir fait allusion à la mobilisation de camarades et à celle... des autocars de Mulhouse, conclut par des «sportives salutations» et des souhaits de «Bonne chance au FC Villers-Rieux»; ces allusions confirment l’intérêt de Robert pour les activités sportives, ce qui est un trait commun aux trois frères. En 1946-47, il aura droit, en tant que président de l’US Villers-Rieux, à une carte de dirigeant de la Fédération française de tennis de table. Pendant ce temps sa carrière militaire se poursuit: le 31 août son père lui envoie une carte le félicitant pour sa nomination au grade de lieutenant.

    Puis, c’est la mobilisation générale, le 1er septembre, et le lieutenant Krebs retrouve la caserne de Belfort, Service des munitions, où une photographie de groupe le montre avec ses artilleurs. Le 24 septembre, au cours d’une permission à Mulhouse, il se fait photographier en uniforme aux côtés de sa sœur en tenue d’infirmière des armées: la famille est sur le pied de guerre. Fin septembre, il reçoit des nouvelles d’un collègue de l’usine de Villers-Saint-Paul qui fait allusion aux «copains sous les drapeaux comme vous» et signale qu’on s’occupe à creuser des abris dans la cour. A Belfort, il vit la «drôle de guerre» à sa façon, ce dont il témoigne à sa soeur en octobre: «Comme les événements, mon affectation se fait attendre, et d’ici là, je cherche par tous les moyens à tuer le temps au 7e BOA». A défaut de tuer le temps, un camion militaire dans lequel il se trouve renverse et blesse mortellement une jeune fille, et «depuis j’ai passé mon temps à constituer le dossier de l’accident».Durant toute sa mobilisation, d’octobre 1939 à juin 1940, il a régulièrement envoyé chaque mois à ses parents un mandat de 1.000 à 1.500 F, pris sur sa solde d’officier. Les adresses des quittances permettent de le suivre à Belfort, puis aux deux secteurs postaux militaires. 

    En décembre enfin Robert est affecté à l’ «Équipage A19 [Artillerie], S.P. 26». A19 est le nom de code du Hackenberg, le plus gros ouvrage de la ligne Maginot, situé à 20km à l'est de Thionville dans le secteur fortifié de Boulay. Cette vaste forteresse, construite entre 1929 et 1935, comprend 19 blocs armés en tout de 25 canons, répartis sur la colline qui a donné son nom à l'ouvrage. Véritable ville souterraine, elle abrite avec ses 10km de galeries, ses magasins, son usine, sa caserne, plus de 1000 soldats et une quarantaine d'officiers. Robert a dû être versé au 153e régiment d'artillerie de position (RAP), l'un des deux régiments occupant le fort. Peut-être est-il arrivé assez tôt pour apercevoir le roi George VI qui visite les lieux au début de ce mois de décembre. En tout cas il participe aux festivités de Noël dont il a conservé le copieux programme: agapes, messes, activités artistiques et sportives et, pour terminer, une «Représentation cinématographique». Cet entracte a dû être le bienvenu au coeur d'un hiver qui fut particulièrement dur. C'est au "Hacken" qu'il reçoit les voeux des Trautmann pour le Nouvel An 1941. Alors qu'il a été affecté ailleurs entre-temps Robert apparaît encore sur une photo prise au Hackenberg le dimanche de Pâques 1940, sans doute à l'occasion d'une visite entre "voisins". Il pose devant les tableaux couverts d'inscriptions à la craie et les boîtiers de commande du PCAO (PC de l'Artillerie d'Ouvrage) qui était chargé de communiquer les données des observatoires aux tourelles des différents blocs qui tiraient sans visibilité. Epargné par les combats de juin 40, le fort abrite depuis 1975 un musée géré par l'association Amifort.* 

    En février 1940 Robert se retrouve affecté auprès d'un état-major, Secteur Postal 134, un autre secteur de la ligne Maginot. C’est à cette adresse qu’il reçoit à Pâques le faire-part de mariage de son ex-condisciple et collègue d’usine Frédéric Engel. Ce n’est pas exactement la vie de château, mais l’état-major est installé dans le château d’Helfédange, massif bâtiment rectangulaire flanqué de deux grosses tours, situé près de la commune de Guinglange en Moselle. Le château dispose d’un parc où Robert se fait photographier le 29 mars 1940 avec le sous-lieutenant Bundgens devant une horloge solaire, sur une pelouse où subsistent des traces de neige. C’est là que se trouve le QG du SFF - Secteur Fortifié de Faulquemont - une autre pièce maîtresse de la ligne Maginot, tenue par le 146e RFI (Régiment d'infanterie de forteresse). En commandant la route Sarrebruck-Metz les cinq ouvrages principaux qui constituent  ce secteur occupent un emplacement stratégique. Deux photographies du 3 février 1940 montrent une brochette de capitaines et lieutenants attablés dans un bureau devant des cartes d'état-major ou dans une salle à manger autour d’un repas. Le moral semble bon et correspondre à l’insigne du SFF que Robert porte épinglé sur la poitrine: un aigle, ailes déployées, survolant un bunker d’où pointe un canon menaçant. Des photographies de mars et avril montrent encore la «salle des dactylos» avec ses machines à écrire et, en fait de dactylos, le lieutenant Pacon, le brigadier-chef Platteau et les soldats Deleloy et Touzeau. 

    On attend l’ennemi de pied ferme, et en attendant on s’invite d’une popote à l’autre. C’est ce que laissent supposer deux photographies de la «popote du Génie» à Fouligny, bourgade toute proche, où on distingue le lieutenant Robert Krebs, «off. Z du SFF », une dénomination qui désigne l’officier chargé des gaz de combat. Le nombre de photographies prises durant cette période est remarquable et sans doute proportionnel à l’inactivité forcée. On fume beaucoup aussi sur ces prises de vues - Robert particulièrement qui a contracté très jeune des habitudes de grand fumeur dont il ne se départira plus, notant avec sa méticulosité ordinaire dans son agenda le nombre impressionnant de cigarettes consommées dans la journée. 

dans le parc du château

* renseignements aimablement fournis par M. Alain Hohnadel ("Hommes et Ouvrages de la ligne Maginot")





















écoutez la voix de Robert
(avec IE et Mediaplayer)
































au château d'Helfédange